Turc mécanique

Le turc mécanique était un automate, créé en 1769 par Johann von Kempelen : il s'agissait d'un mannequin face à une table sur laquelle était disposée un échiquier. Le turc mécanique était capable d'affronter des humains aux échecs avec un succès impressionnant : la légende raconte même qu'il aurait battu Napoléon Bonaparte (qui n'était cependant pas connu pour être un champion aux échecs) en 1809 ainsi que Charles Babbage en 1820. Aux curieux s'interrogeant sur le fonctionnement de l'automate étaient montrées les entrailles de la bête : un assemblage improbable de rouages. Mais comment von Kempelen avait-il réussi à mettre au point une machine entièrement mécanique qui irait même jusqu'à faire pâlir notre supercalculateur Big Blue contemporain, victorieux de Kasparov ?

En fait, le secret était tout simplement que l'automate était doté d'une intelligence artificielle... artificielle. Autrement dit, humaine. Un maître d'échecs (de taille modeste bien entendu) prenait place dans le coffre sous la table dans un double-fond, les spectateurs croyant que les rouages remplissaient tout l'espace de la boîte. Il suivait les mouvements de son adversaire grâce à un ingénieux système de ressorts et d'aimants sous l'échiquier principal et reproduisait les coups sur un petit échiquier sous ses yeux : il ordonnait ensuite les coups à jouer à l'automate.

Mais quel rapport avec Amazon ? En fait Amazon (qui n'est pas qu'un simple supermarché virtuel) propose depuis quelques mois un service de turc mécanique (accessible sur le site mturk.com). Il s'agit d'un web-service accessible pour n'importe quel développeur : celui-ci recharge son porte-monnaie virtuel Amazon et soumet, via une API web-service (accessible en SOAP ou XML-RPC) des tâches à accomplir par un humain. Une librairie Java ou pour d'autres langages utilisant ces API est fournie par Amazon.

Des demandeurs fournissent donc au turc mécanique d'Amazon des tâches à accomplir (HIT, Human Intelligence Task) : ensuite, des êtres humains viennent s'inscrire sur le site MTurk pour réaliser ses tâches. Une fois les tâches accomplies, le demandeur peut fournir une note de satisfaction concernant la personne qui l'a accomplie. L'accomplissement de la tâche peut également être appréciée automatiquement, par exemple par la fourniture de réponses concordantes par deux personnes différentes. Il existe également des tâches de qualification, n'apportant pas nécessairement une rémunération, afin de sélectionner les personnes selon leur compétence.

Les HITs pouvant être soumis au service peuvent être de toute sorte : par exemple reconnaître si un objet particulier figure dans une image (une tâche simplissime pour un humain mais encore très hasardeuse pour les systèmes d'intelligence artificielle), traduire un texte (en voyant les résultats fournis par un système automatique, les traducteurs humains n'ont pas encore de soucis à se faire), ... Bref, tout ce que peut faire un humain facilement et qu'un morceau de silicium peine à réaliser. Le demandeur du HIT fixe une récompense pour l'accomplissement de la tâche et Amazon prélève sur celle-ci une commission de 10%, le reste étant reversé à celui ayant réalisé la tâche.

De nombreuses personnes se sont déjà inscrites sur MTurk, mais ce n'est pour l'instant pas l'eldorado attendu. Très peu de HITs sont disponibles, certains étant même des HITs de test (de récompense nulle). Pour ceux qui arriveraient à engranger quelques dollars, ceux-ci sont collectés sur leur compte Amazon : ils peuvent les convertir en bon d'achat Amazon ou se les faire virer sur leur compte bancaire. Apparemment les fournisseurs de HITs doivent être résidents étasuniens ; les résolveurs de HITs pouvant résider dans n'importe quel pays mais les bons d'achat ne peuvent être dépensés que sur le site américain d'Amazon.

On notera également dans le même genre que le turc mécanique d'Amazon, le service Google Answers. Sa philosophie de fonctionnement est néanmoins quelque peu différente : les tâches soumises sont des questions textuelles associées à des récompenses. Ses questions sont posées (généralement) par un humain depuis une interface Web et non par un système de web-service utilisé par une application automatisé.

🗓 Publié le vendredi 21 avril 2006
🗓 Mis à jour le samedi 29 avril 2006
Envoyez vos commentaires à propos de cet article